Pierre et Jean est un roman de Maupassant publié en 1888.
Dans sa préface, l’auteur exprime ses vues sur la
critique littéraire, sur l’unique tempérament de l’auteur, ainsi que sur le
réalisme ou le naturalisme.
I. L’auteur réaliste
A. Le tempérament de l’artiste
Chacun est subjectif :
« J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des
Illusionnistes. Quel enfantillage, d’ailleurs, de croire à la réalité puisque
nous portons chacun la nôtre dans notre pensée et dans nos organes. Nos yeux,
nos oreilles, notre odorat, notre goût différents créent autant de vérités
qu’il y a d’hommes sur la terre. »
B. Les thèses réalistes
L’auteur « montrera de cette façon, tantôt comment
les esprits se modifient sous l’influence des circonstances environnantes, tantôt comment se développent les
sentiments et les passions, » etc.
L’habileté du plan de l’ouvrage consiste « dans le
groupement adroit des petits faits
constants d’où se dégagera le sens définitif de l’œuvre. »
Le romancier naturaliste ne s’attache plus aux « états
aigus de l’âme et du cœur » mais écrit « l’histoire du cœur, de l’âme
et de l’intelligence à l’état normal »,
s’attachant à « l’émotion de la simple réalité » pour révéler l’homme
contemporain. Il donne pour credo : « Rien que la vérité et toute la
vérité. »
Enfin, il saura non pas simplement décrire la vie comme
le fait une banale photographie, mais donner la vision complète de la réalité
malgré qu’il ne puisse dire tout ce qui passe. Il choisira donc certains détails caractéristiques pour mieux
donner l’illusion complète du vrai.
Note : Aristote, De l’interprétation (17a1) :
« Tout discours a une signification
(…) pourtant tout discours n’est pas une proposition,
mais seulement le discours dans lequel réside le vrai et le faux, ce qui
n’arrive pas dans tous les cas : ainsi la prière est un discours, mais
elle n’est ni vraie, ni fausse. »
Maupassant considère aussi que le roman « objectif » (il récuse ce mot) et
le roman d’analyse (des sentiments, de l’âme…) sont deux revers d’une même
étoffe : le romancier objectif va peindre des actions qui sont le reflet
de sa nature intime ; au contraire, l’analyse psychologique sera fausse puisqu’un
même romancier ne pourra faire disparaitre sa pensée sous celle de son
personnage. Il concilie ainsi subjectivisme et objectivisme de la même manière
qu’art et réalisme.
II. L’idéal de la critique
littéraire
A. La critique selon le tempérament de l’artiste
L’idéal du critique, « analyste sans tendances, sans
préférences, sans passions », n’apprécie l’œuvre que selon sa
« valeur artiste ». Il « ne doit apprécier le résultat que
suivant la nature de l’effort » sans se préoccuper des tendances.
« Juger les œuvres qu’elles produisent, uniquement
au point de vue de leur valeur artistique en acceptant a priori les idées
générales d’où elles sont nées. »
« Contester le droit d’un écrivain de faire une œuvre
poétique ou une œuvre réaliste, c’est vouloir le forcer à modifier son
tempérament, récuser son originalité, ne pas lui permettre de se servir de l’œil
et de l’intelligence que la nature lui a donnés. »
B. Le critique face au réalisme
Pour Maupassant, le naturalisme, son style et sa façon de
voir déroutent les critiques qui ne « découvrent pas tous les fils si
minces, si secrets, presque invisibles, employés par certains artistes modernes
à la place de la ficelle unique qui avait nom : l’Intrigue. »
Puisque chacun se fait sa propre illusion du monde, le
public demande au romancier de satisfaire la « tendance naturelle de son
esprit » alors qu’il devrait plutôt dire : « Faites-moi quelque
chose de beau, dans la forme qui vous conviendra le mieux, suivant votre
tempérament. »
Le critique, ne sachant voir l’individualité de l’artiste
qui perçoit le monde avec ses propres illusions, veut le rattacher à un courant
ou une école, mais ne peut plus alors déceler l’originalité de l’auteur qui est
de pouvoir décrire quelque chose (exemples de l’épicier et du concierge) que
d’une manière unique afin de faire croire à ce qu’il n’existe nul semblable.
Pour cela, il suffit d’observer longtemps.
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